lundi 18 janvier 2010

Et si Port-au-Prince était une ville japonaise...

Si Haitï faisait partie de l'archipel japonais, on compterait probablement ses morts sur les doigts de la main... et peut-être des pieds. Et cinq jours après la tragédie, les communications et les services seraient déjà rétablis ou du moins en voie de l'être.

Si Dany Laferrière est un écrivain japonais, Port-au-Prince n'est pas une ville japonaise. Il faut dire que le Japon a l'habitude des tremblements de terre. L'archipel est situé à la jonction de 4 plaques tectoniques. 20 % des tremblements de terres les plus violents dans le monde se produisent au Japon.

Et comme les Japonais vivent dans l'attente du Big One, ils affrontent sans peine les « petits » séismes de magnitude 5, 6 ou 7 à l'échelle de Richter.

Voici quelques exemples:
  • 10 août 2009, séisme de 6,4 dans la préfecture de Shizuoka à l'ouest de Tokyo, 1 décès, une centaine de blessés;
  • 6 juin 2009, séisme de 5,9 à Tokyo, 0 dégât, 0 victime;
  • 15 juin 2008, séisme de 7,2 dans le nord du Japon, 22 décès;
  • 16 juillet 2007, séisme de 6,8 dans la région de Niigata, 11 morts et un incendie dans la centrale nucléaire;
  • 25 mars 2007, séisme de 6,9 dans l'ouest du Japon, 1 mort.

N'oublions pas que le peu de mort au Japon est un exploit puisque ce pays est fortement peuplé. La grande région de Tokyo à elle seule compte 35 millions de personnes, soit la population totale du Canada.

Selon les scientifiques, le Big One se produira d'ici une trentaine d'années. Il survient chaque 100 ou 150 ans. Le dernier remonte à 1854 dans la région du Tokai. Les Japonais ont subit 2 secousses d'une magnitude de 8,4 les 23 et 24 décembre 1854.

Les Japonais n'ont pas toujours été des experts dans l'art de réagir aux séismes. Celui qui a détruit une partie de la ville de Kobe le 17 janvier 1995 (magnitude de 7,3) a fait bien des victimes: 6 437 morts et 43 792 blessés. Quand même bien peu par rapport à celui de Port-au-Prince avec ses 200 000 morts, qui survient 15 ans après, presque jour pour jour.

Brasser les autorités à une magnitude de 7,3
Le tremblement de terre de Kobe en 1995 a au moins eu l'avantage de brasser les autorités sur l'importance de se doter de constructions antisismiques. Il a aussi su donner une bonne secousse à l'industrie de la construction paralysée par la crise économique japonaise.

Le code du bâtiment japonais est devenu par la suite très strict quant à ses normes de résistance aux séismes. Les avancées technologiques et les recherches sur les nouveaux matériaux permettent de construire des nouveaux bâtiments qui peuvent absorber les chocs. Les anciens édifices ont pour la plupart été rénovés pour répondre aux normes. C'est pourquoi les secousses de magnitude 5 et même plus ne causent généralement aucun dégât grave.

Haïti est loin du compte. Même s'il ne subit pas autant de tremblements de terre chaque année que le Japon, le pays est à risque puisqu'il est situé sur une faille séparant deux plaques tectoniques.

À la suite du drame, le Japon a offert 5 millions de dollars en aide à Haïti plus des biens de première nécessité d'une valeur de 300 000 $. Lorsque le moment de reconstruire sera arrivé, ça serait une bonne idée d'envoyer quelques experts en bâtiments antisismiques.

Je ne voudrais pas que RueFrontenac.com me demande de les commanditer une autre fois dans 50 ans.

samedi 13 juin 2009

Les amis à louer (!)

Sophie Cousineau de La Presse a écrit cet article dans son blog concernant un récent passage à Tokyo. Elle y parle d'un service de location d'amis pour les événements spéciaux.

Extrait:
Au Japon, où les mariages se jugent apparemment au nombre d’amis, de parents et de collègues de travail qui assistent à la cérémonie, il est possible de louer de faux invités et même un faux patron qui louangera votre travail.
http://blogues.cyberpresse.ca/lapresseaffaires/cousineau/?p=847

mercredi 10 juin 2009

Toilette, technologie et civilisation

Le Japon s'est ouvert sur le monde avec l'ère Meiji, dans laquelle s'est provoquée une sorte de révolution culturelle entre la fin du 19e et le début du 20e siècle. Meiji veut d'ailleurs dire "gouvernement éclairé" et cette période a été initiée par l'empereur Mutsuhito. Dans cette ouverture sur le monde, il y avait d'aller chercher le meilleur du mode de vie occidental (dont le vin et le café) tout en préservant l'intégrité de la culture nippone.

Nous ne savons pas si les toilettes font partie de cette importation. Les toilettes japonaises modernes du 19e siècle ressemblaient à un petit lavabo intégré dans le sol dans lequel on plaçait nos restes les jambes accroupies. Rien de bien agréable à faire, les pantalons descendus aux chevilles, toujours menacés d'être souillés si on s'y prend en amateur (ou en touriste occidental malheureux). Il reste encore quelques-unes de ces toilettes en 2009 au Japon et j'en ai vu quelques-une en France il y a deux ans. J'ai appelé ça des "toilettes turques" dans un autre article, parce que quelqu'un, quelque part, m'avait dit que ça s'appelait comme ça. Mais qu'importe.

Si les Japonais ont bel et bien importé la technologie des toilettes à cuvette et réservoir, ils l'ont fait à leur manière. Et leur manière, c'est évidemment de les "upgrader" technologiquement.

Résumons donc nos toilettes, que vous connaissez si bien. Une cuvette remplie d'eau dont la hauteur prévue est confortable pour une position assise. Un réservoir d'eau qui pousse l'eau usée par de l'eau potable propre et qui se rempli après après usage, généralement en format 18 litres, bien que des modèles récents proposent des réservoirs de 4 litres, qu'on dit tout aussi efficaces. Un siège pour s'asseoir (rétractable pour les messieurs et source d'un ridicule conflit alimenté par un féminisme populiste en mal de causes à défendre) et généralement un couvercle, dans les résidences, qui peut cacher du regard le parois d'une cuvette peu nettoyée tout en donnant une forme d'esthétisme à l'objet.

Ce format de toilette, avec cuvette et siège pour s'asseoir, est nommé "western style" au Japon et est identifié ainsi dans certains endroits où les "japanese style" sont encore présentes.

Au Japon, on reprend la même toilette et on y intègre de la TECHNOLOGIE.


Sa fonction de base est évidemment conservée: faire ses besoins. Mais on a tenu à en faire une sorte de spa "génito-anal". Expliquons ce terme troublant.

D'abord, la toilette est électrifiée (oui, elle est branchée à une prise électrique), contrairement à chez nous où toute la technologie d'une toilette repose sur la gravité depuis des décennies, sans pronostics d'évolution technologique pour les 30 prochaines années.

Cette électrification permet plusieurs choses.

1. Chauffer le siège
S'asseoir les fesses sur un siège chaud est quelque chose qui nous plairait bien dans notre pays nordique. Le système permet de programmer la température du siège pour assurer un confort immédiat dès que les fesses sont déposées.

2. Un pré-nettoyage à l'eau, un peu comme un bidet
Une fois le travail principal terminé, des jets d'eau peuvent être projetés à des angles divers, mais prévus selon le sexe ou "la job faite". C'est l'utilisateur qui décide du temps nécessaire, de la température de l'eau et de la pression mise. Les jets s'ajustent selon qu'on soit un homme ou une femme (les boutons sont différents et des logos aident à la compréhension) et certaines toilettes projettent de l'eau légèrement savonneuse. Comme touriste, c'est réellement plaisant d'essayer plusieurs options pour ressentir, comme on a jamais ressenti auparavant, les différences. Notons que pour les hommes qui ne font qu'uriner assis, il n'y a pas de nettoyage pénien de prévu.

3. Une chasse d'eau personnalisée
Selon la fameuse "job", il est possible de choisir la pression de l'eau pour la vidange, entre 3 et 7 niveaux, selon les toilettes observées. Un niveau standard est prédéterminé, mais il est toujours facile de le modifier. Évidemment, un petit pipi demande peu d'eau et d'efforts, le niveau 1 suffit donc amplement. Mais des crampes intestinales et des mets exotiques en conflit avec les enzymes naturelles du corps permettent certainement un niveau 6 ou 7. La différence se voit. La différence s'entend.

4. Un séchoir intégré
Plus rare, mais tout de même existant, un jet d'air tiède-chaud pulvérise l'eau et permet de se lever sans utiliser de papier. Toutefois, le sceptique que je suis n'a pu éviter de valider l'opération avant de lever ses pantalons. Ce fut un succès enchanteur.

De Toilette

Et des extras!! Je devais être Japonais dans une ancienne vie parce que je suis TELLEMENT D'ACCORD avec plein de petits principes qui sont appliqués naturellement là-bas en matière d'hygiène personnelle.

5. Les couvercles et les sièges se descendent de manière "hydraulique". C'est à dire: pas besoin de déposer le siège sur la cuvette pour éviter un claquement sec. On le pousse vers le bas et il descend à une vitesse raisonnable, pour ralentir son élan avant de s'appuyer.

6. Les toilettes publiques sont fermées. Réellement je veux dire. On ne voit pas les pieds, on ne peut pas voir dedans ni par le bas, ni par le haut. Intimité totale. Comme les toilettes sont souvent fermées, elles sont également souvent "mixtes". Il existe bien des urinoirs comme on connait chez nous, mais on en voit beaucoup moins.

7. Des lingettes servent à nettoyer le siège, qu'on nous recommande de laver avant et après. Sinon une sorte de "purell" est prévu à cet effet dans les cabines, qu'on doit mettre sur du papier pour nettoyer le siège. Avant et après. Bien sûr.

8. Un réservoir qui est à la fois un évier. Le réservoir fait fréquemment office d'évier, permettant à l'utilisateur de laver ses mains (sans savon toutefois) pendant qu'il se remplit. Cette eau "usée" remplace l'eau évacuée. Écologique et brillant.

9. Certaines toilettes vaporisent des parfums
dans la cuvette et dans l'air ambiant pour masquer les odeurs indésirables, en plus de l'aération mécanique qui renouvelle l'air plusieurs fois par heure. Nul besoin d'expliquer pourquoi.

10. Rare mais existant, surtout chez les filles semble-t-il, les "simulateurs de flush", qui sont en fait des haut-parleurs qui, à la pression d'un bouton, imite à répétition le son normalement émis par la chasse d'eau. Le but est de masquer les bruits incommodants qui peuvent être produits pendant le travail et éviter que l'utilisateur "flushe" sans arrêt pour cacher sa gêne.



11. Un couvercle qui se lève tout seul. Jamais sérieusement expérimenté, mais offert dans les boutiques spécialisées en salles de bain. Le couvercle du siège de toilette se lève grâce à un détecteur de mouvement, donnant l'invitation à s'asseoir sur un siège chaud, propre et confortable.



Globalement, on peut dire que les toilettes japonaises sont totalement dans le 21e siècle. Elles sont modernes, équipées et répondent à des préoccupations sociales et hygiéniques qui nous touchent tous et toutes. Personne n'aime se faire entendre dans les toilettes. Personne n'aime s'y faire voir longtemps non plus, encore moins quand des odeurs, personnelles ou étrangères sont impliquées.

Les Japonais l'ont compris. Les toilettes sont modernes et impeccables à peu près partout: dans les métros, les restos, les stations service, les dépanneurs, les boutiques (il y a des toilettes partout, tout le temps accessibles au public). Les utilisateurs, fidèles à la culture ambiante, se font un devoir de maintenir ces endroits propres. La technologie leur permet de quitter la cabine sans se soucier de ce que la personne suivante va ressentir en y entrant.

Et c'est un incitatif certain pour un homme de faire pipi assis. D'ailleurs, le sol des salles de bain publiques est tellement propre qu'on n'hésite pas à y déposer son sac.

Je ne suis pas certain que tout a été décrit ici, ou que nous avons expérimenté toutes les possibilités pendant notre séjour. De plus, la plupart du temps les indications sur les panneaux de contrôle étaient unilingues japonais et une fois assis, on hésite tout de même un peu à tout essayer, d'un coup les options "lavement" ou "ramonage" étaient offertes sans qu'on le sache.

Tout ça n'a pas vraiment de prix.